Juge de Paix à Monflanquin en 1791
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Le Juge de Paix
à Monflanquin
au "Temps" de la Révolution
 
 
Des bibliothèques privées sont parfois riches de documents d'un intérêt certain qui méritent la plus grande attention. Il en est ainsi de six cahiers de la Justice de Monflanquin au temps de la Révolution que la famille Schlœsing a su par chance préserver d'une disparition certaine. Les  documents concernés se classent par ordre chronologique. .:
 
. Le Second Registre du Bureau de Paix :                            1791 - 1792
. Le Troisième Registre du Bureau de Paix :                        1792 - 1793
. Le Registre du Juge de Paix :                                               1792 - 1793
. Le Répertoire du Juge de Paix :                                            1796 - 1797
. Le Registre du Juge de Paix :                                               1797 - 1798
. La Correspondance du Juge de Paix :                                 1797 - 1802
 
Ils offrent un tableau précis de la fonction d'une part du Bureau de Conciliation et d'autre part du Juge de Paix. Ils  permettent, en outre, d'appréhender l'esprit dans lequel les révolutionnaires ont oeuvré, imprégnés de l'esprit humaniste des philosophes du XVIII° Siècle.
 
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Bureau de Paix : Nov.1791 - Nov.1792
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Le premier cahier concerné s'avère, en fait, être "le second registre du Bureau de Paix du district de Monflanquin contenant quarante huit feuilles .... Le 29 Novembre 1791" . Cahier signé par le président Fournié, élu par l'assemblée primaire.
 
wpeAF.jpg (10293 octets)
Fournié est le prototype de ces citoyens de bonne volonté qui ont accepté de remplir cette fonction publique sans spécialisation préalable exigée. Ils doivent en effet, plutôt qu'appliquer le droit, accommoder les plaideurs et trancher en fait ou en équité:ce sont avant tout des conciliateurs.
 
La conciliation du Vendredi 4 Mai 1792, à II heures du matin, illustre bien l'esprit dans lequel intervient le président du Bureau des Conciliations du District de Monflanquin : "Sont comparus ce jour Sr Marc Costes cultivateur habitant à Massas paroisse de Teyrac et Sr Jean Ducondut demeurant au lieu de Gousset paroisse de Barbas... pour se concilier si faire se peut sur les demandes qu'ils ont à se faire mutuellement"  .... "Nous nous sommes occupés vivement à les concilier en leur représentant la longueur, les frais d'un procès et même l'incertitude des suites, de sorte que les parties sentant tout le prix de la paix et de la bonne intelligence, sont entre eux convenus de ce qui suit en se relâchant de part et d'autre de leurs demandes..."
 
Ce Bureau de Paix a à connaître des affaires de tout le district de Monflanquin, qui recouvre les cantons de St Front, Fumel, Monségur, Montagnac, Villeréal, Born ,Cancon et Monflanquin bien sûr.
 
"Le Vendredi 9 Mars 1792 sont comparus le Sr Veissié agissant par procuration de Mr de Thimbrune de Valence, lieutenant des Armées du Roy habitant de la ville de Toulouse et... Sr Jean Bousquet aubergiste habitant de Lacapelle Biron..."
 
"Ce jour Vendredi 7 Juillet 1792 à I heure de midy devant nous est comparue la nommée Marie Salinié habitante du lieu de Rabine canton de Cancon..."
 
En cas d'échec de la conciliation l'affaire est portée devant le juge de paix s'il s'agit d'une cause mineure, objet de moins de 100 livres de litige, et devant le tribunal ordinaire de district pour les affaires plus importantes: (2)
 
"Ce jour Vendredi 20 Avril 1792... sur ces allégations de part et d'autre, voyant que l'absence de la veuve Milhens nous ôte les moyens d'opérer une conciliation dans l'affaire présente nous avons renvoyé les parties pour se pourvoir comme ils l'entendront..que l'absence de la veuve Milhens nous ôte les moyens d'opérer une conciliation dans l'affaire présente nous avons renvoyé les parties pour se pourvoir comme ils l'entendront..."
 
"Ce jour Vendredi 8 Juin 1792... Lad. Catherine Combrouse est comparue, mais non les parties adverses;ce qui nous a décidé à donner à la comparante le présent certificat afin qu'elle en fasse tel usage qui conviendra devant le tribunal à qui il appartient de juger à son affaire..."
 
Ce registre ouvert le 29 Novembre 1791 se termine le Vendredi 9 Novembre 1792 à onze heures et demie du matin avec l'affaire du citoyen "Jean Lescure huissier habitant de la ville de Villeréal... assigné à la requête du citoyen François Choisy habitant au Bourget paroisse de Born de Champès canton de Beaumont district de Belvès..."
 
Une année au cours de laquelle la démarche de ce Bureau de Paix de Monflanquin reste parfaitement en concordance avec les objectifs prescrits par la loi du 16 - 24 Août 1790 : la conciliation.
 
Une année au cours de laquelle les personnes comparues devant son président Fournié ont presque uniquement débattu de problèmes financiers, de dettes, d'estimations divergentes...
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Bureau de Paix : Nov. 1792 - Nov. 1793
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wpeBC.jpg (1984 octets)"Le troisième registre du Bureau de Paix du District de Monflanquin contenant quarante huit feuillets... paraphé par nous Président du dit Bureau, fait à Monflanquin le* 9 Novembre 1792 l'an premier de la République ... Fournié ".. [Le calendrier révolutionnaire n'est pas encore utilisé dans la totalité des documents]
 
Le travail de conciliation va continuer à porter sur des divergences financières même si de rares cas vont au delà de la simple opposition interindividuelle de deux mécontents, soit en raison de la fonction des requérants, soit en raison des prolongements advenus pour un différent d'argent. Par exemple:.
 
Le 4 Décembre 1792, le citoyen Biou cultivateur à St Cernin fait citer le sieur Delmas du canton de Penne redevable, auprès des collecteurs successifs, de la taille des années qui vont de 1773 à 1789. Le stade d'un règlement interindividuel vient d'être dépassé pour laisser place à une question d'administration financière plus large.
 
Le 8 Janvier 1793, "An second de la République" le citoyen Jacques Rigal, habitant de Begou paroisse d'Envals, fait citer Rey Lafon habitant de Seyssac paroisse du Laurès pour règler un différent "au sujet d'un emprisonnement que le dit Rey avait fait faire de la personne du requérant " pour dette contestée.
 
S'il y a changement, c'est dans les personnes qui animent ce Bureau de Paix qu'il faut le wpeC1.jpg (4685 octets)chercher.
 
La signature de Fournié apparaît pour la dernière fois au bas des comptes rendus du Bureau de Paix de Monflanquin le 7 Décembre 1792 pour laisser place à Ducondut, Védrines - avec au départ Brugère -  dont les signatures s'inscrivent de concert du 18 Décembre 1792 au 29 Janvier 1793.
 
 
C'est le vendredi Ier Février 1793 que pour la première fois apparaît le nom de Brunet, aux côtés de celui de Védrines et Brugére. Progressivement Brunet va s'installer dans la permanence de l'action conciliatrice "du Bureau de Paix près le Tribunal du district de Monflanquin".
 
Un autre changement, politique celui-là, intervient en séance du 25 Juin 1793 où le Bureau de Paix se trouve associé à l'effort révolutionnaire en cours: "Sur l'invitation de la Société Républicaine de la présente ville de nommer un d'entre les membres de ce bureau pour, conjointement avec ceux de l'administration du district de la municipalité, du Tribunal de la Justice de Paix de la dite Société, former un Comité de Salut Public en cette ville du Lot et Garonne, l'assemblée a élu à la pluralité de suffrages le citoyen Ducondut".
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Juge de Paix : Juillet 1792 - Septembre 1793wpeC5.jpg (7457 octets)
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 Un troisième document couvre l'année 1792­ -1793 "destiné pour servir de registre pour les affaires qui se termineront par la voie de la conciliation ou qui seront portées devant notre bureau de Conciliation... Faisant la fonction de Juge de Paix Vistorte"
 
Le premier enseignement que nous livre ce registre est que "le faisant fonction de Juge de Paix", le sieur Vistorte, est distinct , du Président du Bureau de Paix, le sieur Fournié. Signe de la volonté de non-cumul de la part des législateurs.
 
Le second enseignement a trait à la procédure : si des citoyens peuvent s'adresser directement au Bureau de Paix, le Tribunal de Paix peut également lui envoyer des plaignants pour régler leur affaire en conciliation.
 
Pour animer ce Tribunal de Paix il est prévu l'élection d'un juge par l'assemblée primaire regroupant les citoyens actifs c'est à dire ceux subordonnés au paiement d'une contribution directe de trois journées de travail (2).
 
Tout comme le Président du Bureau de Paix, le juge se doit d'être assez proche des justiciables pour que ceux-ci n'hésitent pas à s'adresser à lui. On n'a exigé de lui aucun exercice antérieur de fonction judiciaire et il ne reçoit qu'une indemnité assez faible.
 
Le Juge de Paix et le Président du Bureau de Paix sont avant tout des conciliateurs. Ils sont placés au service des parties plus qu'ils ne sont appelés à leur donner des di­rectives et à exer­cer une véritable autorité. C'est un système fondé sur l'optimisme des acteurs de la révolution qui parient sur la bonté et la bonne volonté des citoyens. Un système révélateur d'un courant profond qui traverse la Révolution.
 
Ce rôle l'amène même, dans cet esprit, à se déplacer: "Aujourd'hui vingt quatre du mois de Juillet 1792 au lieu de Griffoulet paroisse de la Sauvetat, par devant nous Joseph Vistorte faisant les fonctions de Juge de Paix assisté de Jean Seguy et Clément Rovié, nous étant exprès transportés au dit lieu...".wpeC7.jpg (4262 octets)
 
Le 20 Janvier 1793, Joseph Vistorte faisant fonction de Juge de Paix laisse sa place au nouvel élu le Juge de Paix Guillaume Alexis Bardy dont l'arrivée correspond à l'ouverture d'un secteur particulier : l'attestation des âges de personnes ayant plus de soixante ans.
 
Le schéma est régulièrement le même : "Aujourd'hui le 8 Février 1793 et le 2° de la République comparait devant nous... Jean Sarrau du lieu de Lidon de cette paroisse qui nous aurait dit que ne pouvant constater de son âge par extrait baptistaire ne se trouvant pas compris dans le Registre de la paroisse St André dans laquelle il est né, il se serait muni des témoins aux fins de constater... Lesquels sont présents ici...". Témoins honorablement connus et eux-mêmes âgés qui attestent sous serment connaître de longue date la personne concernée.
 
Le compte-rendu du 9 Messidor An 2 - 28 Juin 1793 - éclaire sur la dimension sociale de ces démarches où chaque intervenant "désire faire preuve de son âge aux fins de profiter des avantages que la loy accorde aux travailleurs indigents..." Les temps sont difficiles pour la République naissante et en guerre.
 
Le registre se ferme sur l'enregistrement en date du I8 Fructidor An 2 - 6 Septembre 1793, de 1'âge de la nommée Marie native au bourg de la Sauvetat. Signé Bardy Juge de Paix.
 
Cette délivrance de certificats, sans lesquels l'aide sociale reste inaccessible pour les personnes âgées démunies, rapproche encore davantage le Juge de Paix des préoccupations de ses concitoyens. L'institution l'éloigne d'une fonction de répression pour lui donner une toute autre dimension, plus humaine. Comme en contrepoint de la Terreur Robespierriste puis de la réaction thermidorienne.
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Le juge Brunet : 1796 - 1797
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Le vingt quatre nivose de l'An IV - c'est à dire le 16 Janvier 1796 - c'est François Brunet Juge  de Paix du canton de Monflanquin qui paraphe le répertoire de quarante huit pages "où doivent être inscrits les actes de la justice de Paix."
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Le Directoire est en place depuis quelques mois et Monflanquin passe du rang de chef-lieu de district à celui de canton. Brunet, le Juge de Paix, a faits classes, pour ainsi dire, comme membre du Bureau de Paix où sa signature est apposée pour la première fois en Février 1793. Son sens de la conciliation a dû être reconnu puisque le voilà élu à de plus importantes responsabilités.
 
Le répertoire donne la liste des conciliations fort nombreuses; qui font la preuve que la structure est appréciée et qui livrent en même temps un panorama assez large des lieux d'habitation et des professions des intervenants !
 
23 brumaire: Lacaze aubergiste.
25 brumaire: Lafite boulanger et Viguier cordonnier
                        Laverny tisserand et Augustin Fray notaire
                        Larrieu cordonnier et Labouly voiturier
 
Tous domiciliés à Monflanquin comme tant d'autres. Mais il y a aussi ceux qui sont à l'extérieur de la bastide.
 
29 Brumaire: Becays à Lacaussade
13 Frimaire:  Joseph Triaire teinturier à Peyrarnaud
29 Frimaire:  Persy à Rastouillac
 
Les conciliations ne sont pas seules à occuper le Juge de Paix. Il y a à l'occasion :
 
Le 15 Frimaire "déclaration de grossesse de Marie Lapeyre habitante de la cornière section de Roquefère", le 15 Frimaire "plainte du citoyen Bruguillière marchand habitant de la présente ville qui se plaint que des voleurs se sont introduits dans sa boutique". Le 5 Nivôse "Délibération de parents assemblés par une rédition de compte par Antoine Bayol du lieu de Bisebarre section de St Vivien". Le 5 Nivôse, encore, "adoption d'Anne Paga, sœur plus jeune habitante de la présente ville, qu'elle fait de Daniel Barrié, tapissier pour son fils légitime". Le 29 Nivôse, "Rédition de compte au citoyen Yssartier son maître...".
 
Lorsque les questions à traiter abordent un domaine moins courant que ceux dans lesquels il intervient habituellement, le sieur Brunet qui n'a pas reçu de formation judiciaire n'hésite pas à faire appel à des hommes de loi compétents. Par exemple le, 19 Fructidor An VI - 6 Septembre 1798 - il écrit à l'accusateur public d'Agen : "J'ai été arrêté dans l'exercice de ma fonction par une difficulté dans laquelle je vous prie de vouloir m'aider de vos sages lumières. Un métayer avait loué un valet de labour...".
 
wpeAC.jpg (3768 octets)Les dix dernières pages du répertoire sont consacrées à la comptabilité tenue par le Juge de Paix: "État de papier que j'emploierai à commencer du I° Germinal An VI … Argent que je prendrai…" annoncés en préambule. Les deux cent trois francs cinquante centimes qu'il dépense sur l'ensemble de l'An VI pour son papier pose le problème du remboursement et par voie de conséquen­ce de son revenu modeste. Situation qui préoccupe François Brunet et dont les échos se préciseront au fil des années.
 
Le présent répertoire se termine le I° Nivôse An VI, c'est à dire le 21 Décembre 1797.
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Le juge Brunet : 1797 - 1798
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Le 23 Floréal An V - c'est à dire le 13 Mai I797 - le juge Brunet paraphe un registre "contenant quarante huit rôles pour servir aux procès-verbaux des transports" dans le canton. En effet le juge, à la demande des citoyens, se déplace pour des estimations, des expertises :
 
Le 27 Floréal An V, "à la maison... située sur la traversière de la porte de Roquefère à celle de St André... appartenant à Raymond Roques qu'il acquiert de Pierre Malespine". Suit un descriptif et l'estimation des travaux réalisés de la cave au grenier qui se montent à 1400 Francs.
 
Le 14 Prairial An V, "maison du citoyen Delbos acquise du citoyen Vincent Teyssié, située dans la rue traversière du bas de la ville confrontant du Levant à la maison de Rey tailleur" Travaux pour un total de *1041 livres. [Il est intéressant de noter que les prix s'établissent soit en Francs soit en livres]
 
Le 22 Prairial An V, "maison du citoyen Jean Dunugon acquise de la veuve de Fray Augustin cultivateur, située dans la rue traversière qui part de la rue St Pierre à celle du Laurès ".Travaux pour 2023 Francs.                                             
 
Le II Messidor An V, "maison du citoyen Luc Fauché acquise du citoyen Cassagnol, située sur la rue St Nicolas à celle de la Porte St André, ... avec au premier une chambre ayant vue du côté du levant sur la rue de l'Union ". Travaux pour 3030 Francs.
 
Le 15 Brumaire An VI, "maison du citoyen Fauché acquise de l'épouse du citoyen Etienne Serrer, située rue St Nicolas" comme la précédente. Travaux pour 3092 livres 3 sols.
 
Le 19 Frimaire An VI "maison de l'épouse du citoyen Antoine Bardou habitant du lieu de Gorre " Travaux 806 Francs.
 
Ces expertises donnent le sentiment d'un parc immobilier vétuste tant les réparations sont lourdes. Mais en même temps se profile une catégorie d'acquéreurs ayant les moyens de financer les travaux nécessaires; et dont le prototype pourrait bien être Luc Fauché qui cumule les achats et réparations.
 
Un autre type d'expertise incombe au Juge de Paix. Le 30 Prairial An VI il se rend au moulin de Cambes section de Calviac pour obtenir du citoyen Guillaume Plagner, exploitant fermier du moulin, de réduire la hauteur du déversoir. Type de problème classique et permanent. (3).
 
Dans un tout autre genre, il faut noter deux vols nocturnes dans des maisons vides. "Le douze Prairial
An V à six heures du matin s'est présenté le citoyen Bérail agriculteur à Roquefaire.." pour un constat de vol nocturne en sa* maison meublée de Monflanquin, rue de l'Union et Porte de Roquefaire, où il ne vient que pour affaires dans la journée. [Le plan de la place Caladon, en 1791, donne avec précision l'emplacement de cette maison Bérail (4)]
 
Le 13 Messidor An V, le citoyen Isaac Cassagnol agriculteur expose qu'il vient de s'apercevoir qu'il a été pratiqué la nuit dernière une ouverture wpeB0.jpg (4410 octets)au toit de la maison qu'il possède sous la cornière de la rue Ste Marie.
 
Vols dont le rapprochement ne manque que pas d'être fait dans la ville où le sentiment d'insécurité de l'époque ne peut que puiser des arguments. D'autant que la technique du passage par le toit ne peut que frapper les imaginations.     
 
Le registre du Juge Brunet, qui se termine le 29 Germinal An VI - c'est à dire 19 Mai I798 -a l'avantage d'être révélateur d'une société Monflanquinoise, au temps du Directoire, conforme à l'état général que les historiens s'accordent à reconnaître en France au même moment.
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Correspondance du juge : 1797 - 1802
 
Le cahier de correspondance du Juge Brunet est commencé le ** treize Frimaire An V de la République Française, fini le 8 Germinal An X, c'est à dire qu'il couvre la période du 3 Janvier 1797 au 30 Mars 1802. [La couverture du cahier de correspondance mentionne "I3 Nivose" alors que la Ière lettre reçue est du 13 Frimaire et la I° envoyée du 2 Nivôse].     
 
Cette correspondance - avec la Municipalité, le Tribunal de Police le Capitaine de la Garde Nationale, le canton, le département - établit le cercle dans lequel évolue le Juge de Paix pour régler les difficultés qui lui incombent.
 
- La question religieuse a sa place dorénavant dans les préoccupations d'un Juge de Paix.
 
En Floréal An V - Mai 1797 - il réclame, à Monflanquin, la liste des prêtres qui officient puisque Villeneuve l'informe que "le bruit es: répandu qu'un prêtre condamné à la déportation avait paru " dans le canton. Entre temps il répond à Villeneuve qu'il en avait entendu parler mais qu'il ne voulait pas intervenir avant de savoir si le cas était bien conforme à la loi. ll précise au demeurant à l'accusateur public, pour le Tribunal Criminel d'Agen, qu'il s'agit de Fray natif de Monflanquin curé de Crouzillac officiellement pourvu en 1792 d'un passeport pour l'Espagne et, en fait, caché dans le Lot jusqu'en Floréal 1797. Date  où il a obtenu à Montauban un certificat de résidence; de retour dans wpeB2.jpg (3768 octets)le canton il s'est réfugié chez Augustin Fray, à Corconat, pour y exercer son culte.
 
Le I° Vendémiaire An VI 22 - Septembre 1797 - Passalaygue, Enduran et Lescazes de la Gendarmerie l'informent que les ministres du culte "sont venus prêter dans nos mains le serment prévu par la loi".
 
En Vendémiaire An X - Septembre 180I - c'est un échange de correspondance avec le directeur du jury de l'arrondissement de Villeneuve sur Lot à propos "d'un prêtre insoumis prêchant le retour de l'Ancien Régime et donnant lieu à des attroupements "qui, sous la plume plus modérée une fois encore du Juge Brunet, n'est "qu'une réunion de quelques citoyens honnêtes et paisibles...".
 
- Un second volet se constitue de façon nette dans cette correspondance au fil des années : l'importance accrue de l'encadrement. hiérarchique dans lequel est amené le Juge de Paix.
 
Le 26 Prairial An VIII, pour la première fois, apparaît le Sous Préfet de Villeneuve dans l'horizon épistolaire du Juge.
 
Le Sous Préfet est très clair dans son propos "Le gouvernement veut connaître la situation intérieure de la France, je dois lui transmettre celle de cet arrondissement communal et je ne le peux que par le concours du fonctionnaire public chacun en ce qui le concerne". Signé Bourran.
 
Cependant, la position de juge élu limite les effets de cette pression tout au moins jusqu'en l'An X où le Juge de Paix sera nommé. Pour le moment, le Juge Brunet jouit d'une certaine autonomie souvent exprimée dans la .modération de ses avis, opposés à ceux d'Agen ou Villeneuve.
 
Sa lettre du 5 Germinal An IX est assez significative de cette autonomie : "Citoyen Sous Préfet, j'avais lieu d'attendre de votre honnêteté une réponse à ma lettre du 9 Ventôse et je ne puis vous dissimuler que j'ai été vivement affecté et mortifié de votre silence. Ma demande était cependant juste..."
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La situation d'un juge de Paix :
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Cette relation avec le Sous-préfet s'établit donc, entre autre chose, par le relevé mensuel qui lui est adressé, dorénavant, depuis Monflanquin.                                                                                                                                
 
La première note, de Prairial An VIII, établit la somme des interventions du Juge pendant le mois :
 
9 conciliations, 25 non-conciliations, II nominations d'arbitre, 4 jugements, 5 enquêtes, 8 appositions et levées de scellé, 5 condamnations, I curatelle, 4 tutorats, 3 autorisations, I avération de signatures. Sur un total de 79 actes judiciaires 5 seulement concernent des condamnations, le profil du Juge de Paix n'entre que très peu dans la catégorie des agents judiciaires classiques chargés de rendre justice selon les textes de lois.
 
wpeB7.jpg (3768 octets)Le Juge opère dans le cadre du canton de Monflanquin inclus depuis l'An VIII précisément dans l'arrondissement de Villeneuve sur Lot nouvellement créé. Il reste élu jusqu'en l'An X du moins, comme l'atteste le Sous Préfet le 19 Pluviôse An X - 9 Mars I80I - "vous venez d'être appelé par le vœu de vos concitoyens à l'exercice de fonction infiniment importante  de Juge de Paix du nouveau canton de Monflanquin... mais il faut que vous prêtiez serment..." Le Juge de Paix demeure donc quelque peu en marge du corps judiciaire et cela s'explique par le caractère conciliateur de leur activité plus que véritablement juridictionnel (2).
 
Cette désignation, marquée par le choix et la confiance des électeurs, n'est pas sans problème d'ordre matériel  pour le Juge qui le 26 Messidor An VIII - I5 Juillet 1799 - écrit au ministre "Lorsqu'en L'An IV je fus appelé aux fonctions de Juge de Paix je vivais du produit d'un petit commerce que j'abandonnai entièrement pour ne m'occuper que de mon nouvel état... Je n'ai d'autre revenu pour ma subsistance et celle de ma famille que le traitement qui y est attaché. Cependant il ne m'a pas été entièrement payé pour l'An VI, je n'ai rien touché pour l'An VII ni pour l'année courante. Mes besoins croissent en raison de mon âge et de mon infirmité..."
 
Problème que le ministre renvoie au Préfet qui fait suivre au Sous-préfet qui expédie à l'administration financière départementale avant que des sommes modiques ne soient envoyées. Et, pendant ce temps là, le Juge Brunet paye le papier, les frais de correspondance même pour celle qu'il reçoit non affranchie et qu'il ne peut refuser puisque lui dit-on ce sont des dossiers urgents. Il va jusqu'à officier dans sa propre maison comme il le rappelle dans son courrier du 20 Ventôse An X, IO Mars 1802 :
 
"Pendant que je n'ai eu que mon petit canton de Monflanquin j'ai tenu mes audiences chez moi. Le caractère honnête et paisible de mes justiciables a fait que je n'ai jamais eu à m'en repentir, mais aujourd'hui que l'arrondissement est considérablement augmenté que les affaires vont être plus multipliées, les réunions plus nom­breuses et plus tumultueuses il importe pour le bon ordre et la décence que mes audiences soient tenues dans la Maison Commune."   .... sans réponse !.
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Les six cahiers de la justice, à Monflanquin, allant de Novembre 1791 à Mars 1802 couvrent à peu près l'ensemble de la période révolutionnaire.
 
Ces documents montrent à l'œuvre une justice de conciliation qui tranche avec l'idée que l'on a généralement de ces années tumultueuses remplies d'images édifiantes...
 
L'élection du Juge met fin au système de vénalité des offices et à la permanence des détenteurs de ce pouvoir tandis que la proclamation de la gratuité de la justice abolit le système des épices. C'est donner acte aux cahiers de doléances.
 
L'institution de cette justice de paix, ressortissant aux mêmes tendances générales que l'arbitrage a été au surplus immédiatement inspirée de pratiques anglaises et hollandaises que les philosophes du XVIII" siècle avaient vantées à l'envi. (2).
 
C'est en l'An X seulement qu'on leur appliquera le système général de la nomination par le premier consul, mais ils ne seront nommés que pour dix ans, ne bénéficiant pas de l'inamovibilité. Pour eux, la tradition révolutionnaire de méfiance à l'encontre des juges "installés ad vitam" se maintient donc en partie même si le choix par élection est supprimé.
 
A travers cette justice de paix les habitants de Monflanquin ont vécu une rupture totale du système judiciaire en pratiquant un mode démocratique d'élection, en découvrant l'aspect plus conciliateur que juridictionnel des juges. Somme toute une vraie Révolution.
 
Odo   Georges 
Sous lesArcades n° 350 /351
1994  
 
 
Bibliographie
 
 
I.- Saurel G. "Histoire des Institutions publiques depuis la Révolution" - Dalloz 1990.
 
 2.- Furet F. et Ozouf M. "Dictionnaire critique de la Révolution Française" - Flammarion 1988.
 
3.- ODO G. "Rivières: la Lède et ses moulins en 1793" - Sous les Arcades 1991 n° 303.
 
4.- ODO G. "Trois relevés dans la Bastide en 1791" - Sous les Arcades 1994 n° 342.