Roquefere, Boinet, Secretary près Monflanquin en 1789
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Trois châteaux
 
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1789

Trois châteaux

autour de Monflanquin
 
 
En 1789la réunion des Etats Généraux à Agen regroupe au mois de Mars les représentants des 3 Ordres; à l'assemblée des Nobles sont présents : Charles Raymond de BERAIL, Jean Baptiste SARRAU et Louis Gabriel de PASSELAYGUE.. .
 
Les châteaux de Roquefère, Boynet et Secrétary - qui les concernent - sont répartis autour de Monflanquin riches de signification.
 
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Au Nord Ouest de Monflanquin, le château de Roquefère symbolise, en1789, l'ancienneté et la permanence de la présence seigneuriale.
 
A l'origine " le Repaire de Rohafera "appartient à Hugues de CASTELMORON qui le cède à Jean de GRAILLY sénéchal du roi d'Angleterre. Des lettres d'Edouard Ier datées de 1280 - à l'intention des descendants de Jean de GRAILLY - confirment cet achat".  Le manuscrit d'Oxford "rédigé vers 1283 mentionne le seigneur de Roquefère "item lo senhor de Roquafera deu I mealha d'aur per lo repaire de Roquafera et per las pertenensas". (AMB Toulouse 1956 p.I7).
 
Le château est également mentionné dans les chroniques en 1305, où est relatée la visite du diocèse d'Agen par Bertrand de GOTH archevêque de Bordeaux peu de temps avant d'être élu pape sous le nom de Clément V (RA 1964 p.I85).
 
"Le 7 dudit mois (Juillet 1305) serait ledit seigneur allé au prieuré de VAULX (Envals) près Roquefère, où il aurait fait sa visite et de là serait allé audit lieu de Roquefère et couche au château avec son train, aux dépens du prieuré de Vaulx ".
 
Jehan de GRAILLY, fils de Jehan GRAILLY CAPTAL BUCH et de Blanche de FOIX, fait Connétable d'Aquitaine par les Anglais en 1371, cède la seigneurie - dont les propriétés s'étendent sur 17 paroisses - à Jehan de CHANDOS sa vie durant sous condition qu'elle lui reviendrait, ou à ses héritiers, après sa mort.
 
Ancienneté donc de la seigneurie, mais aussi de la fonction militaire du château avec son plan classique rectangulaire, ses deux tours extérieures, ses murs d'enceintes, sa poterne d'entrée et son pont-levis.
 
Site de défense intéressant dans l'Agenais des Plantagenets, héritiers en 1279 de baylies comme Monflanquin qui sont des agglomérations ouvertes. Dans ce complexe formé par Monflanquin et Roquefère, sur une zone qui devient frontalière entre les monarchies française et anglaise, le château prend une importance indéniable: au début en tant que lieu fortifié proche d'une ville non encore protégée par ses remparts, par la suite parce que complémentaire d'un Monflanquin doté de remparts voulus par Edouard Ier, mais des remparts dont la qualité semble des plus médiocres pour avoir été élevés à la hâte et fort économiquement. (RA 1962 p.95)
 
wpeAE.jpg (5090 octets) wpe9B.jpg (11603 octets)
wpeA4.jpg (2070 octets)Partie ancienne du chateau, au temps des maisons fortes de Guyenne, vers le XIII°.
Les deux escaliers aux angles internes servent de liens avec les ailes perpendiculaires plus tardives.
 
Cette fonction militaire, les Anglais puis les Français l'ont prise en compte pendant la Guerre de Cent Ans avant que les protestants ne le fassent eux-mêmes en choisissant Monflanquin, appuyé par Roquefère, comme place de sûreté. Cette relation privilégiée Monflanquin / Roquefère étant mise en valeur par la porte de Roquefère aménagée dans les remparts de Monflanquin et qui s'ouvre naturellement sur le chemin menant à Roquefère.
 
Le dernier acte lié à ce Roquefère militaire est, sans conteste, celui de Jean de ROCHEFORT, marquis de THEOBON, captal de PUYCHAGUT. Pendant la Fronde, ayant pris le parti du Prince de CCNDE, il en fait la base à partir de laquelle il organise ses raides dans la région et d'où il peut attaquer les soldats royaux cantonnés à Monflanquin dont les remparts ont disparu depuis peu, par volonté royale. Finalement le Marquis de THEOBON se soumettra, rendra hommage à Louis XIV qui voudra bien accéder à sa demande et préserver son château de Roquefère. (SA 1978Loloum).
 
Ancienneté de l'implantation du château et de sa fonction militaire, mais, parallèlement, permanence des familles nobiliaires détentrices de la seigneurie de Roquefère.
 
En 1376, à la mort de Jehan de GRAILLY sans postérité, le château devient pour plus d'un siècle l'enjeu de rivalités entre la famille HEBRARD - qui se l'approprie sans droit - et la famille de Blanche de FOIX, la mère de Jean de GRAILLY. Finalement, en 1470, Jean de FOIX Comte de CANDALE obtient restitution de Roquefère par lettres du Duc de Guyenne; puis en 1495 sa fille - mariée à Jacques de CHAUSSADE - entre en possession de la seigneurie par arrêt du parlement de Bordeaux. Pendant cette période, donc, après les HEBRARD, au XV°, les Monflanquinois ont eu affaire, au XVI°, aux CHAUSSADE héritiers des GRAILLY par alliance, originaires du Limousin et dont la lignée masculine directe s'étend sur l'ensemble de ce siècle.
 
Viennent ensuite - au fil des décennies - par mariage les CHAUSSADE/ de la MOTHE pendant la première partie du XVII° .... puis les CHAUSSADES de la MOTHE / ROCHEFORT jusqu'au XVIII° où Louis PONS - marié à Marie Guyonne de ROCHEFORT (dernière héritière des GRAILLY/FOIX) - vend le château à Jean FOURNYE GORRE médecin du Duc d'Orléans et originaire de Monflanquin.
 
C'est une cassure dans la relation, faite de droits et traditions, entre la seigneurie et la campagne environnante. Certes seigneur de Roquefère en 1781 par testament, Charles Raymond de BERAIL peut tirer argument d'appartenir à une vieille famille de la région, noble déjà au XIV° (RA1885de la Force p. 482), mais il n'en est pas moins, en ce qui concerne Roquefère, l'héritier de droits fraîchement acquis par achat comme par exemple "La dîme inféodée jouie à Roquefère remontant à 1494 et dont les actes rappellent un devoir d'une paire d'éperons argentés à chaque mutation du seigneur ou vassal et à une redevance annuelle de deux charges froment mesure de Monflanquin". (AA L 681 f.47)
 
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A quelques kilomètres au Nord de Monflanquin, le château de Boinet ou Boynet selon l'orthographe de l'époque. Château résidentiel - dominant la petite rivière du Laussou - bien plus récent que Roquefère comme le prouve son architecture, . C'est le fief des SARRAU.
 
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Si le château de Roquefère a pu symboliser pour les Monflanquinois de 1789 la permanence nobiliaire, celui de  Boynet serait plutôt celui de l'ascension de la riche bourgeoisie vers la condition nobiliaire. (SA n°271/272 -.1988 )
 
En effet, cette famille - propriétaire de courte durée, I604-I608, de la seigneurie de Roquefère - prête hommage   à Henri IV en 1606. Mais surtout, Jean de BOYNET, premier du prénom au XVII°, sieur de Boynet et de Bessis, premier consul de Monflanquin en 1610, est anobli - pour service rendu à l'Etat, en 1614. Les portes de la Noblesse de Robe viennent de lui être ouvertes, dans un mouvement ascensionnel assez largement répandu en Aquitaine du XVI° - XVII°...  La famille SARRAU, le château de Boynet sont représentatifs d'un phénomène d'ensemble.
 
Cette ascension Jean "premier" la consolide, en 1624,  par l'achat de la terre noble de Gibel à Pierre MADAILLAN; il est dès lors sieur de Boynet, de Bessis et Gibel.
 
Son fils, Jean "deuxième", secrétaire du Duc de BIRON et Conseiller Secrétaire du Roi dès 1604, seigneur de Boynet et de Brie, maintient le capital en titres, charges et offices.
 
Avec Jean "troisième", sieur de Brie, en faveur de qui son père se démet de sa charge de Conseiller du Roi en 1626, cet effort familial se poursuit. Avec lui la progression de l'échelle sociale se complète par ses deux mariages, il a été veuf, au sein de la petite Noblesse. .
 
L'achat de charges, l'acquisition de terres nobles, la recherche de mariages en milieu noble; le cursus de l'ascension vers la noblesse est rempli.
 
Autre caractéristique de la famille SARRAU : l'érudition.
 
Claude SARRAU, sieur de Boynet - où il est né en 1603 - pourvu comme son frère Jean "troisième" d'une charge de Conseiller, mais au parlement de Normandie en ce qui le concerne, en est l'expression la plus fine. Magistrat intègre, protestant loyaliste à l'égard de la monarchie, marié lui aussi dans le milieu noble, Claude se fait une réputation dans les cercles littéraires en tant que profond érudit. SAUMAISE, BOCHART, GROTIUS sont ses amis; de plus il est le correspondant en France de la reine Christine de SUEDE.
 
Son fils Isaac SARRAU, sieur de Boynet à son tour, pasteur apprécié pour sa culture aura à subir les pressions monarchiques qui le mèneront à l'abjuration, fut-elle de façade comme il le semble. Deux de ses fils Isaac et Jean enrichissent cet ensemble intellectuel, ils sont les fondateurs de l'Académie des Sciences, des Lettres et des Arts de Bordeaux.
 
C'est une des dimensions de la Noblesse Agenaise qui transparaît là, mais l'essentiel pour les Monflanquinois est ailleurs : les exigences que peut avoir cette noblesse de fraîche date en matière de droits seigneuriaux sont mises en cause.
 
Les comptes-rendus de la Jurade de Monflanquin conservent la trace des réactions occasionnées par l'anoblissement de la famille SARRAU : c'est un procès devant la Cour des Aides contre le fermier de la seigneurie de Boynet; c'est l'obligation faite aux SARRAU de fournir copie du dénombrement des biens nobles puisqu'ils prétendent être exemptés de la Taille; allant plus loin c'est la menace de saisie et vente des biens des BOYNET qui refusent de payer.
 
Les SARRAU ont du mal à faire admettre les droits liés à leur nouvelle condition. La Jurade veille, et s'appuie dans sa résistance sur l'adage qui veut qu'il n'y ait en Guyenne " Nul Seigneur sans titre ".
 
D'une façon générale, dans ce conflit juridique sur les droits seigneuriaux, les Consulats bourgeois, les Jurades semblent avoir souvent gagné la bataille; chaque fois qu'il y avait exigence sans preuve. A la veille de le Réunion des Etats Généraux le problème dans son ensemble reste cependant à régler.
 
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Au Sud de Monflanquin, le château de Secrétary a la dimension d'une gentilhommière. Au travers de Louis Gabriel de PASSELAYGUES, son occupant, cette demeure nobiliaire illustre d'une part le maintien de la vieille tradition de la noblesse au service du Roi et d'autre part la relation établie entre la France du Sud-Ouest et les Amériques.
 
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La famille PASSELAYGUE a été anoblie en 1655, ses lettres d'abolissement ayant été enregistrées en la Cour des Aides le 8 Août de la même année, brevet de confirmation ayant été délivré en 16'70. C'est donc une petite maison noble dans la juridiction de Monflanquin, d'ascension relativement récente. (RA 1685 p. 4b4 Lafforce).
 
Louis Gabriel de PASSELAYGUE, sieur de Beaupuy est né vers 1'730 à Monflanquin du mariage ale PASSELAYGUE seigneur de Secrétary et de Marie COURS de THOMAZEAU, catholique de Castillonnès qui avait de très nombreuses attaches familiales à la Martinique. (RA 1976 p.380 L.Bourrachot).
 
Comme beaucoup de nobles, il commence jeune sa carrière. Dès 1746, on le trouve sous-lieutenant au Régiment de la Marine et déjà il fait campagne pendant la guerre de succession d'Autriche. Il fait ensuite la Guerre de Sept ans où il est durablement blessé au bras, deux campagnes en Corse. Fait Chevalier de Saint Louis on lui confie, en 1775, le 4ème Régiment de la Marine avec lequel il s'embarque pour la Martinique, avec à ses côtés un officier du nom de De PERCY .....
 
Ses préoccupations : les désertions de soldats mal équipés, l'état de santé alarmant de ses hommes, l'habillement mal adapté au climat, la solde insuffisante. Ce sera une longue et fastidieuse litanie qu'égrènera Louis Gabriel de PASSELAYGUE pendant près de neuf ans qu'il passera aux îles. Cependant, à travers ses lettres, on perçoit deux constantes : l'appui que le ministre de la Marine paraît vouloir fournir aux officiers servant outre-mer et la totale indifférence dont fait preuve le ministre de la Guerre qui s'efforce de restreindre les possibilités d'avancement de ces mêmes officiers.
 
Le 15 Mai 1785, le Vicomte de DAMAS, successivement gouverneur de la Guadeloupe puis de la Martinique, en remplacement du Marquis de BOUILLE, nomme PASSELAYGUE - commandant en second depuis1781gouverneur par intérim de la Dominique. Il semble qu'à ce poste il exécuta de fort mauvaise grâce les dispositions du Traîté de Versailles concernant la rétrocession de l'île aux Anglais "prétextant que les autorités de la Martinique ne lui avaient transmis aucune instruction à cet effet". C'est le 10 Janvier 1784 que les troupes françaises et monsieur de BEAUPUY quittèrent le Roseau et s'embarquèrent.
 
Au cours de cette guerre de l'Indépendance américaine, de 1778 à 1783, quatre cents marins agenais, vétérans ou recrues poussées par l'attrait des aventures, ont pris part aux expéditions et y perdirent le huitième de leurs effectifs. De leur côté, une centaine d'officiers et de vétérans, bas officiers, grenadiers ou chasseurs, originaires de l'Agenais assistèrent aux opérations sur la terre ferme. (Cdt. Labouche "La guerre d'Amérique")
 
De retour au pays, PASSELAYGUE n'est donc pas un cas unique. Il est représentatif d'un mouvement assez large pour avoir laissé des traces dans l'imaginaire local du moment. D'ailleurs, à Monflanquin même, il y a le Maréchal de Camps Cuérin de LACHAIZE qui a assisté à cinq batailles navales dans les parages des Antilles et à presque toutes les affaires de terre qui signalèrent les armes françaises en Amérique. A la prise de la Dominique, sous les yeux du Duc de BOUILLE, il se distingue à la tête d'une compagnie d'élite ce qui lui vaut la Croix de Saint Louis.
 
En arrière-plan de cette ouverture conjoncturelle vers les Amériques, on ne peut oublier les phénomènes migratoires persistants qui ont porté tout au long du XVIII° siècle les populations de l'Aquitaine vers les îles, attirées par le mirage antillais ou par la liberté religieuse.
 
Comment oublier, également, que le marché des îles - avec en arrière-plan la Louisiane, la Caroline et le Canada - a exercé une influence non négligeable sur l'économie aquitaine dans la mesure où ses besoins en vivres, farines de la moyenne Garonne, vins de Guyenne, comme en produits industriels tels que les draps et toiles du Languedoc étaient couverts par l'entrepôt bordelais. ( Butel P. 1974 p.24)
 
Secrétary, nom qui tranche dans la toponymie locale avec sa consonance anglo-saxonne, PASSELAYGUE noble qui se distingue parmi ses pairs avec sa carrière aux îles, il y a là aux portes de Monflanquin comme l'affirmation affichée de l'ouverture du monde aquitain vers d'autres horizons, lointains. Cette situation, pour autant, n'empêche nullement les PASSELAYGUE d'être impliqués, au même titre que les autres nobles, dans le problème des droits seigneuriaux et de leur remise en cause.
 
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En effet, que l'on puisse, à l'analyse, au travers de Roquefère, Boynet et Secrétary,- distinguer des nobles d'épée ou de robe - de familles anoblies de plus ou moins fraîche date - avec une attirance plus ou moins marquée pour l'érudition ou le métier des armes,  n'empêche pas que les trois seigneuries soient conjointement concernées par l'opinion exprimée par le Tiers-Etat monflanquinois en l'église des Augustins de la ville, au cours de son assemblée du 20 Janvier 1789.
 
"Le clergé et la Noblesse qui ne forment guère que la vingtième partie de la Nation, possédant eux seuls la moitié des terres du Royaume et par les dîmes et rentes qu'ils prélèvent sur les autres et jouissant des deux tiers de ses productions territoriales, ne payent que la plus petite partie de l'impôt établi sur elles et le dispensent par leurs privilèges de contribuer aux charges publiques, qui sont presque aussi onéreuses au peuple que l'impôt.
 
C'est contre pareil abus, qui causerait infailliblement la ruine de l'Etat que nous devons nous élever avec force, en suppliant Sa Majesté d'anéantir tout privilège en matière d'impôt et de charges publiques ".
 
                                                                                                      Georges ODO
                                                                                    Sous les Arcades n° 281/282
                                                                                                                1989
 
 
 
BIBLIOGRAPHIE:
 
- AA "Archives d'Agen" suivi du n° du répertoire ,
- AMB "Association Marc Bloc de Toulouse" Document médiéval n° I. CRDP,Toulouse 1956.
- RA "Revue de l’Agenais » - suivi de l'année, de la page, du nom de l'auteur.
- SLA "Sous les Arcades" - suivi de l'année et du nom de l'auteur de l'article.
- Butel Paul "Les négociants bordelais, l'Europe et les Iles au XVIII°" Ed. Montaigne 1973.
- Higounet Charles "Histoire de l'Aquitaine" ed. Privat 1971
- Labouche "Marins et soldats Agenais de la Guerre d'Amérique 1778/1783".