1789 à Monflanquin : Chronique de Revolution
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Monflanquin,
Chronique
de l'année 1789
 
Sommaire de la page. .
Janvier 1789 : préparation des Etats Généraux
Mars 1789 : rédaction du Cahier de doléances
Juillet 1789 : la Grande Peur    
Août 1789 : Comité et Milice
2° Semestre 1789 : L'Edit de Tolérance  
 
L'année 1789, à la lecture des documents disponibles, est marquée par trois évènements majeurs : la  réunion des assemblées préparatoires aux États Généraux de Versailles, la grande peur, la  reconnaissance des mariages des protestants.
 
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Janvier 1789 : préparation des Etats Généraux   (1)
 
Lorsque l'année 1789 s'annonce, les habitants de Monflanquin sont préoccupés des conséquences du rude hiver qui s'est abattu sur eux, d'autant plus que les réserves alimentaires sont des plus ré­duites. L'alerte a été donnée, comme de partout dans l'Agenais, très tôt pour que le pouvoir central prenne des mesures aptes à soulager la misère croissante. La réponse faite par NECKER laisse chacun dans l'expectative :
 
"J'ai reçu Messieurs votre lettre du  21-7 bre par laquelle vous m'informez que l'Agenais n'a eu qu'une très faible récolte et qu'userait à craindre qu'il n'éprouva des besoins d'ici à quelques mois. Je vous engage Messieurs à entrer à ce sujet en correspondance avec Monsieur l'Intendant qui pourra prendre ou me proposer les mesures convenables... NECKER, Paris le 7 - 8 bre 1778".
 
Expectative mêlée d'espoir dans la mesure où l'on convie au même moment les paroisses du royaume à la préparation des États Généraux, qui auront pour objet justement d'apporter remède à tous les maux de la monarchie.
 
Aussi, le 20 Janvier I789, dans le cadre des dispositions de l'arrêté royal du 21 Septembre 1788, les représentants de la ville et de la juridiction, dans une ambiance très loyaliste à l'égard du roi, se réunissent à Monflanquin à l'appel du maire et des consuls. Réunion qui se tient en l'église des Augustins à cause de l'insuffisance de l'hôtel de ville pour recevoir l'assemblée générale des "Principaux et notables habitants de la présente ville et juridiction".
 
Préside cette séance, le maire  Monsieur de LESCASES ancien lieutenant premier au Régiment de Barrois. Le discours d'ouverture est prononcé par le premier consul Monsieur ALQUIE de FONGUILLERE, docteur en médecine; discoursest affirmée la volonté des Monflanquinois d'aider le roi à restaurer l'état ... "soit en extirpant des abus ... soit en déployant des pouvoirs dont l'exercice n'appartient qu'à la nation".
 
Après quoi l'Assemblée - composée de bourgeois, d'artisans et de laboureurs - délibère en tenant compte plus ou moins des propositions de l'Assemblée des notables d'Agen du 25 Décembre 1788 qui essaie d'entraîner à sa suite l'ensemble de l'Agenais.
 
Monsieur ALQUIE de FONGUILLERE et les rédacteurs qui se sont inspirés des idées forces de son discours pour rédiger leur texte en la forme circonstanciée représentent, dans cette juridiction à dominante rurale sur le plan démographique, les officiers et hommes de loi de Monflanquin. I1 est intéressant de noter que ce noyau social, qui fait passer son point de vue au nom du Tiers Etat, est empreint de ce que l'on nomme "l'esprit de Vizille".
 
En fait, les six articles votés en cette circonstance révèlent une connaissance solide des lignes de forces en présence dans le royaume. Aussi le texte dépasse-t-il le simple horizon de Monflanquin pour s'inscrire dans la problématique nationale et régionale du moment.
 
Le Tiers Etat de Monflanquin, effectivement, demande que le nombre de députés du Tiers Etat soit supérieur à celui des députés du Clergé et de la Noblesse réunis, que le nombre de députés de l'Agenais soit proportionné à l'étendue de la Sénéchaussée et à la population et à la quotité des impôts et que, dans les Etats tant généraux que particuliers, les trois ordres délibèrent ensemble, les suffrages étant comptés par tête. Ce sont là des réclamations que font les patriotes animés de l'esprit de Vizille à travers toute la France.
 
En outre, le Tiers Etat de Monflanquin, sur un plan plus régional, se prononce pour la reconnaissance des états particuliers de la province de Guyenne en insistant pour que ces états particuliers ne puissent procéder à la répartition d'aucun impôt qui n'ait été consenti par les états généraux.
 
Enfin, en réponse aux propositions de Décembre des notables d'Agen en matière locale, les Monflanquinois se déclarent favorables à la convocation du Tiers Etat par les maires et consuls de chaque municipalité et à la réunion à Agen des électeurs pour nommer les députés.                                                                             
Cette assemblée du 20 Janvier replacée dans le contexte de l'année 1789, se présente comme une préparation à l'assemblée qui va rédiger le cahier de doléances de Monflanquin le 06 Mars suivant. Les idées directrices de la bourgeoisie monflanquinoise sont indiquées dès Janvier, le cahier de doléances en Mars ne s'en écartera pas.
 
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Mars 1789... : rédaction du Cahier de doléances (1)
 
Dès le 18 Février, le Lieutenant Général de l'Agenais, Jacques LAFITTE, par ordonnance au nom du roi, lance dans toute la Sénéchaussée les ordres de convocation compte tenu des décisions du Conseil du roi à Versailles le 27 Décembre1788 et du règlement promulgué le 24 Janvier 1789. et du règlement promulgué le 24 Janvier 1789.
 
A Monflanquin, alors que l' hiver, rude, n'en finit pas d'aggraver les difficultés économiques, le 06 Mars 1789 "en l'Assemblée convoquée au son de la cloche à la manière accoutumée sont comparus dans l'église paroissiale de Monflanquin, à cause de l'insuffisance d'étendue de l'Hôtel de Ville, à l'appel de Guillaume Alexis du BAROY avocat en Parlement, Conseiller du Roi, juge royal civil et criminel de la présente ville et juridiction", 184 représentants dont les noms sont inscrits sur le registre.
 
"Tous nés français ou naturalisés, âgés de 25 ans, compris dans les rôles des impositions, habitants de la dite ville et paroisses composant la dite juridiction".
 
Lesquelles, invitées par les officiers municipaux à nommer leurs députés au cours de réunions séparées, ont préféré - vu les difficultés de parvenir à ces assemblées particulières et compte tenu de leurs intérêts somme toute communs - envoyer leurs représentants à l'Assemblée du chef lieu pour y tenir une seule et même réunion et nommer les dix neuf députés de la juridiction.
 
Disposition qui permet certes d'avoir en un seul texte une vue synthétique  des doléances de l'ensemble des paroisses, mais par contre qui présente l'inconvénient de rendre les paysans des paroisses, face aux bourgeois du chef-lieu, plus spectateurs qu'acteurs. Car la ville de Monflanquin, outre qu'elle dispose de 75 délégués sur les 184 présents (alors qu'elle n'a que 354 feux sur les 1559 de la juridiction), possède la totalité des hommes de lois, des praticiens, c'est à dire des gens qui pratiquent couramment le maniement des idées et l'usage du verbe, qui savent mener une réunion et imposer la rédaction d'un texte selon leur convenance comme ils ont su le montrer dès le 20 Janvier précédent.
 
Il est indispensable, en outre, de souligner que dans une subdélégation où la langue d'oc a fortement résisté à la langue française - comme va le prouver l'enquête lancée par l'abbé Grégoire - les rédacteurs du cahier de doléances sont d'autant plus à l'aise pour exprimer en substance leur point de vue qu'ils sont une poignée à vraiment manier le français.
 
Le 06 Mars, donc, les quelques 184 représentants de la juridiction de Monflanquin approuvent et signent - pour ceux qui savent le faire - les dix huit articles du Cahier de Doléances du Tiers Etat de la ville et des paroisses environnantes.
 
Quatre grands thèmes y sont abordés : les droits honorifiques (un article), la justice (deux articles), les finances (douze articles), la politique  (quatre articles); l'article final traitant à la fois des finances et de politique, apportant une conclusion solennelle à l'ensemble du texte.
 
En matière de droits honorifiques, transparaît une attitude bienveillante à l'égard des honneurs, comme si la bourgeoisie n'était pas insensible au cursus offert à ses propres convoitises.
 
En matière de justice le Tiers Etat désire qu'on remédie à l'abus trop fréquent des lettres de cachet et que s'instaure un état "des droits de l'homme et du citoyen", ce qui correspond à la ligne de pensée des "patriotes" du royaume de France. Tout comme la demande de création d'une " justice rendue gratuitement au peuple " en un chef-lieu facilement accessible à tous.
 
En matière financière la première idée force est que "l'impôt est une contribution volontaire. Il doit être réparti d'une manière juste et proportionnelle... ce qui entraîne la suppression de toute exemption..." et les suppressions aussi de nombreux impôts. Par ailleurs, si on ne peut en supprimer certains il faut les réaménager.
 
La seconde idée force : le contrôle ! afin d'éviter que les pratiques en cours ne se perpétuent au profit du Clergé et de la Noblesse.
 
En matière politique : sur le plan communal le droit d'élire jurats, consuls, échevin, selon les droits anciens. Sur le plan régional, établissement des "états particuliers de Guyenne sur le modèle de ceux du Dauphiné", l'esprit de Vizille décelé le 20 Janvier à Monflanquin se perpétue. Tant au plan national que régional "délibérer par tête" et contrôler les impôts est une demande essentielle.
 
Tant de convergences avec les propositions avancées dans tout le royaume par les patriotes, et le niveau auquel se placent les rédacteurs du cahier en abordant les sujets dépouillés de tout détail local, posent le problème des conditions dans lesquelles ce cahier de doléances a été rédigé. Sommes-nous, à Monflanquin, en présence d'un texte qui reprendrait un canevas mis en circulation ? Dans l'Agenais, les cahiers à notre disposition sont trop peu nombreux pour répondre avec certitude à cette question. Quant à l'influence de la Franc-maçonnerie, les relations de Monflanquin avec les Loges "La Parfaite Union", "La Sincérité" d'Agen et "La Parfaite Harmonie" de Villeneuve restent à prouver.
 
La réunion du 06 Mars 1789 à Monflanquin, outre la rédaction du cahier de doléances, a pour objet la désignation des 19 députés qui auront à représenter la juridiction. La délégation du Tiers Etat, où ne sont retenus que trois laboureurs, donnera encore davantage de poids à la bourgeoisie locale lors des réunions d'Agen à la mi-Mars au moment de désigner les députés aux Etats Généraux.
 
L'aristocratie et le clergé de Monflanquin se retrouvent également à Agen en cette deuxième quinzaine de Mars pour procéder à l'élection de leurs propres députés.
 
Mais, quand les députés sont élus fin Mars, chacun sent que rien n'est joué et que toute reste à faire. Aussi chacun s'organise au mieux pour, de loin, suivre les évènements de Versailles, afin de pouvoir infléchir le mouvement, le cas échéant.
 
C'est ainsi que se met en place un bureau permanent du Tiers Etat à Agen en relation d'une part avec les députés à Versailles et d'autre part avec les mandants des différentes juridictions de la Sénéchaussée. De la même façon s'organise un bureau permanent de la noblesse à Agen, sur le même schéma de relations épistolaires avec les députés et les mandants: de BERAIL à Monflanquin.
 
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Juillet 1789 : la "Grande Peur"  
 
Ce climat de confiance dans l'évolution en cours, à peine perturbé par les nouvelles qui arrivent de Versailles et Paris, est violemment pris de court par l'onde de choc de la Grande Peur, dont on comprend mieux l'importance et le déroulement à la lecture de la lettre d'Esther de VEDRINES rédigée début Août
 
"Ne recevant aucune de vos nouvelles, mon cher cousin, nous envoyons cette expresse pour savoir si vous êtes tous morts. Ce silence ne laisse pas de nous faire une vive impression...
 
"Je te dirai que nous avons eu une alerte des plus effrayantes. Le 30 Juillet à six heures du soir il arriva un messager de Biron avec une lettre pour avertir de se tenir sur ses gardes, qu'il y aurait 4 000 hommes à une lieue d'ici qui allaient venir et qui avaient été à Villeréal, avaient mis le fau, ils avaient ravagé tous les environs.
 
"Tu ne dois pas douter quelle alarme ça occasionna. Le bruit était répandu dans toutes les campagnes, le tocsin sonnait partout, l'on fit de même ici. Il sonna quasi toute la nuit; dans moins de deux heures nous eûmes quinze cents hommes bien armés. Tout le lendemain il arriva des troupes à l'infini. Jamais Monflanquin n'avait vu tant d'hommes. Nos magistrats et tous les principaux les reçurent bien. L'on fait faire du pain, on les fit boire et manger. En se retirant ils criaient " Vive Monflanquin et le Tiers Etat " et promirent qu'au moindre signal ils étaient à nous. Toutes les villes de nos environs ont eu la même alerte. Ils sont venus offrir des troupes au cas d'accident. Nous ne doutons pas que l'on en ait besoin.
 
"Il règne une politique parmi le peuple qui nous fait bien de la peine. Ce qui le prouve, nos officiers voulaient cesser de monter la garde. Les principaux artisans leur ont conseillé de continuer, ce qu'ils font.
 
"Nous ne savons pas d'où vient use alarme si générale, non seulement dans tous nos environs mais dans le haut pays. Cahors, Montauban envoyèrent 900 hommes à deux lieues d'ici et tous le même jour qu'ici et à la même heure. Il n'y a qu'à Agen qu'ils ne l'apprirent qu'à onze heures du soir. I1 vient plus de dix mille hommes qui nous ont (illisible). Nos messieurs ont été dans tous les cantons où l'on disait qu'ils étaient.
 
"Ils ont trouvé la même épouvante et que n'était arrivé rien de mal. Cependant l'alarme étant si générale, il n'est pas possible qu'il n'y ait quelque chose à craindre. En conséquence, l'on a régimenté. Nous avons huit compagnies de 30 soldats chacune, les officiers qui ont servi en sont les capitaines. Toutes les villes et campagnes ont fait de mime. L'on devait faire faire un drapeau au Tiers état blanc, rose et bleu. Je ne sais s'il se fera.
 
"Tous ces préparatifs ne nous rassurent guère, au contraire. Les uns disent que le Tiers Etat en veut aux députés de la Noblesse. D'autres disent que ce sont des brigands qui sont échappés des prisons de Paris. D'autres disent que Monsieur de POLIGNAC est à Monségur caché dans le château de Monsieur de FUMEL; l'on assure qu'il y a plus de cent hommes autour du château pour mettre le feu, l'on eut bien de la peine à les calmer, ce qui est positif c'est que le château est ouvert et tout démeublé.
 
"L'abbaye d'Eysses a couru les mêmes risques. Tous les moines ont décampé. C'était une si grande désolation que l'on ne savait quel parti prendre; ceux de la ville couraient les campagnes, ceux de la campagne se réfugiaient en ville.
 
"Ma sœur est restée à Martel à cause qu'elle avait ce repère pour se réfugier. Dieu vous préserve de pareilles alertes, elles sont trop cruelles et nous savons ce que c'est, il y a des personnes qui sont mortes de frayeur. L'on parle beaucoup d'un grabuge qu'il y aurait eu à Ste Foy pour les cocardes que la Noblesse avait refusées et surtout Monsieur de ROSANE, l'on dit que ses vitres ont été cassées. Quand il avait vu que c'était sérieux il l'a vite prise. Tout le peuple l'a prise et l'on voit qu'ils étaient bien disposés à la faire prendre, ils ne peuvent pas chicaner les gens comme il faut, mais autrement ils ne font pas de grâce.
 
"La récolte ici n'est pas bien bonne, surtout dans les fonds qui ne sont pas trop bons. Le tour de ville n'est pas aussi malheureux. Les blés rendent passablement, point de vin, beaucoup de misère, il y a beaucoup de grêle dans le haut pays, ça nous procure une grande quantité de pauvres..."
 
"L'onde de choc passe donc à Monflanquin le 30 Juillet selon une trajectoire Nord/Sud, avec de légères variantes qui confortent la ligne générale:
 
"En effet le 30 Juillet le juge de Lineuil sur Dordogne écrit une lettre au procureur du Roy de Montpazier pour lui demander un prompt secours contre les 6000 brigands qu'on dit être partis de Paris et qui après avoir saccagé Périgueux sont à quatorze lieues de son port. Cette lettre est reçue à Montpazier à midi et demi et à une heure et demie une lettre similaire arrive depuis Belvez.
 
"Alors les Messieurs de Montpazier écrivent à Villeréal, Castillonnès, Monflanquin, Villeneuve, la Capelle Biron et leur envoient copie des deux lettres, en les. priant de leur envoyer des renforts". (2)
 
Depuis Biron, est adressé, en une sorte de doublon, l'avertissement qui conforte celui donné officiellement depuis Montpazier. A travers cet exemple il apparaît que l'information officielle a dû conforter une multitude de relais et par-là même propager la Grande Peur davantage encore.
 
L'un des caractères du phénomène en cours c'est l'autorité sous laquelle se sont placée ces rassemblements défensifs. A côté des curés guides traditionnels des masses paysannes, il y a "les troupes rassemblées sur la Dordogne commandées par différents Seigneurs et Officiers", tandis qu'à Monflanquin il y a les représentants du Tiers Etat et les Officiers.
 
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Août 1789 : Comité et Milice
 
Cependant, si l'alarme s'est révélée sans fondement, des milliers d'hommes s'étaient rassemblés et un tel mouvement de masse dans l'émotion générale a fait ressentir immédiatement la nécessité impérieuse de sauvegarder l'ordre social.
                          
Dès le 31 Juillet "un règlement provisoire sur les circonstances et troubles actuels" est adopté "pour être exécuté jusqu'à ce que le Roi et la Nation y auront pourvu autrement". (3)
 
"Nous habitants de la ville et juridiction de Monflanquin, tous concitoyens frères et bons amis assemblés extraordinairement par nos magistrats pour aviser aux moyens à prendre pour maintenir le bon ordre dans la ville et dans nos campagnes et nous tenir en sûreté contre les brigands qui pourraient troubler notre tranquillité, avons délibéré ce qui suit:
 
I.        "Former dans la ville une milice bourgeoise composée de 7 compagnies de 30 hommes chacune, compris les Sergents et Caporaux.
 
2.       "Chaque paroisse de la juridiction formera sa compagnie particulière si elle peut fournir 30 hommes et deux au-dessus de 40 hommes. Elles ne feront qu'un Corps avec les troupes de la ville qui seront toutes aux ordres des Magistrats.
 
3.      "Création d'un Comité ou Conseil de Ville composé des anciens Jurats et de. quatre des principaux et plus âgés des artisans de la ville, conseil présidé par les magistrats et chargé d'ordonner tout ce qu'il jugera utile pour la sûreté publique. Il pourra juger en dernier ressort les délits de quelque espèce que ce soit commis dans toute la juridiction.
 
4.        "Promesse est faite par  tous d'obéir à tous les ordres donnés par ce comité relativement à la tranquillité publique.
 
5.            "Que la présente ordonnance soit publiée et affichée aux lieux accoutumés, de la ville et à la porte des églises de chacune des paroisses".
 
Créer de la sorte, un Comité de Ville où l'on associe aux anciennes autorités locales de nouveaux représentants, et décider qu'il peut s'appuyer sur une milice bourgeoise c'est entrer, avec beaucoup de modération, dans les changements voire les ruptures du cadre municipal qui touchent toute la France en ce mois de Juillet.
 
D'ailleurs les signatures, au bas du document constitutif, sont celles en premier lieu de LESCAZES le maire, ALQUIE de FONGUILLIERES premier consul auxquelles viennent s'associer celles de LABARTHE, VERNEJOUL de Paris, Chevalier St AMANS,FOURNYE , GORRE, PASSELAIGÜE ancien garde, VERNEJOUL  fils, LAMARTINIE, BRUGAILLERE, GODAILH... S'il existe des tensions sous-jacentes entre les groupes sociaux de Monflanquin elles ne sont guère exprimées en cet instant de l'année.
 
Quelques jours plus tard, le 9 Août, dans l'hôtel de ville de Monflanquin, Messieurs les députés de chaque corps et corporation sont dûment convoqués par les officiers municipaux de la ville. Le maire, Monsieur de LESCAZES informe au nom du corps municipal que, par l'Article 3 du Règlement provisoire fait et souscrit dès le 31 Juillet par les habitants de la ville, "a été créé un Comité Permanent au Conseil de la Ville pour pourvoir à tout ce qui pourra intéresser la sûreté et la tranquillité publiques" et pour décider de tous les cas où il serait nécessaire de prêter main forte à la municipalité. ( 3)
 
Le 9 Août ! Comment ne pas faire un rapprochement entre cette date et la nuit du 4 Août qui vient de mettre un terme à la féodalité en France. Dans une telle conjoncture le Comité de Monflanquin pourrait, avec le recul, prendre l'allure d'un instrument de contrôle des tensions susceptibles de naître localement à la suite de décisions aussi fondamentales que celles prises par l'Assemblée Nationale. Mais, en fait, le Comité en question a été décidé dès le 31 Juillet; par ailleurs le compte-rendu de la réunion du 9 Août ne porte, à aucun moment, mention de la nuit du 4 Août. Dès lors il faut bien admettre qu'à cette date les délégués de Monflanquin ne se réunissent que dans le cadre des réactions directement liées à la Grande Peur.
 
C'est, donc, à la formation de ce Comité qu'il faut, en ce 9 Août 1789, procéder pour remplacer les anciens Jurats, qui, par leur éloignement de résidence, ne peuvent promptement se rendre aux assemblées; il faut également fixer un calendrier de réunions régulières...
 
"En ces temps d'effervescence il est arrêté que tous les membres qui composent l'assemblée formeront un Comité Permanent, auquel demeurent joints Messieurs VERNEJOUL de Paris, DUCONDAT notaire, REY notaire, CASSAGNOL aîné, FOURNIE apothicaire et BECAYS de Courtières ancien jurat... sous réserve de faire tous règlements tant pour l'ordre de cette assemblée et de sa fonction que pour la discipline des troupes bourgeoises".
 
La dite assemblée, toujours aussi unitaire que quelques jours auparavant, nomme à l'unanimité Monsieur LESCAZES pour président dudit Comité. Il est ordonné, en outre, que "la présente délibération sera affichée et annoncée par son de trompe dans tous les lieux accoutumés... ainsi que la liste de tous les membres qui la composent..."  en n'omettant pas ALQUIE de FONGUILLERES absent ce jour même.
 
Enfin, l'Assemblée a unanimement nommé pour colonel des troupes bourgeoises Monsieur LABARTHE de VEDRINES ancien sous-aide major de la Gendarmerie et pour major des mêmes troupes Monsieur LESCAZES maire.
 
Deux mentions associées aux signatures méritent attention: "BERAIL, à condition que son corps de la Noblesse approuvera..." "  et "De LAMARTINIE à condition que le corps de Bourgeois approuvera...". Ce n'est donc pas un renfort d'individus isolés que la municipalité reçoit mais bien celui des corps constitués de la juridiction.
 
Cette alliance défensive des différents groupes sociaux - la bourgeoisie renforçant tout de même sa présence dans les instances en place - explique que là comme ailleurs en Lot et Garonne la Grande Peur ne donnera pas lieu à des évènements révolutionnaires: plusieurs mois de maturation seront nécessaires. ( 4).....
 
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2° Semestre 1789 : L'Edit de Tolérance  (5)
 
Pour l'instant, alors que le second semestre de l'année 1789 est déjà entamé, subsiste à Monflanquin l'espoir de réformes profondes sous l'égide du roi et dans le respect du triptyque "La Nation, le Roi, la Loi."
 
Le maintien de l'ordre - dans lequel s'implique fortement la bourgeoisie - doit permettre justement ce déroulement harmonieux; car vu de Monflanquin s'impose le sentiment que Louis XVI à Versailles puis à Paris se rapproche de la Nation et que cette alliance permet au Roi de donner une impulsion plus vive au mouvement réformateur auquel il aspirait.
 
En effet n'a-t-il pas convoqué les Etats Généraux, ouvrant par là le dialogue avec la Nation ? N'a-t-il pas entériné la mutation de ces Etats Généraux en Assemblée Nationale, invitant sa fidèle Noblesse à se joindre au Tiers Etat ? Comment dès lors ne pas avoir l'impression que tout cela est sous-tendu d'un même désir royal de moderniser la société d'ancien régime, manifesté déjà à l'occasion de la signature de l'Edit de Tolérance le 17 Novembre 1787 à Versailles.
 
L'application de cet Edit a tardé en raison de la mauvaise volonté du Parlement de Bordeaux en exil à Libourne; le Parlement s'est mis en grève et a refusé d'enregistrer les actes royaux. C'est pouquoi il a fallu attendre le 6 Février 1789 pour que ce Parlement condescende à enregistrer le texte royal. Et c'est le 16 Juin 1789 que l'Edit est enregistré au greffe de Monflanquin "en faveur des non catholiques, aux fins de constater légalement leurs états civils".
 
Désormais, les mariages protestants peuvent être déclarés devant des officiers de justice et non plus seulement devant les curés et vicaires. De plus, les unions antérieures peuvent être réhabilitées. Cette disposition d'ensemble permet de jouir de tous les droits d'un mariage légitime, notamment en matière d'héritage.
 
La solution apportée à la question protestante- après un siècle d'oppression / résistance - aboutit à la distinction et à la séparation du pouvoir civil et du pouvoir ecclésiastique. Au fond ce qui se débat ici c'est l'un des plus importants et des plus graves problèmes des sociétés modernes: celui de la Tolérance et de la Séparation de l'Eglise et de l'Etat.
 
Donc, l'Edit de Tolérance est enregistré, le 16 Juin 1789, au greffe de Monflanquin, et ce même jour la famille de VEDRINES se présente devant le juge royal, montrant l'exemple à la communauté protestante comme elle avait su le faire "au désert", durant tout le XVIII° siècle.
 
Et du 16 Juin au 31 Décembre 1789, pendant tout le second semestre, vingt quatre mariages protestants vont être enregistrés. Le juge royal voit passer devant lui Nobles et bourgeois protestants de la juridiction, accompagnés de leurs témoins; c'est dire si la communauté protestante a compris la portée de la nouvelle disposition réglementaire et en approuve l'esprit.
 
Dorénavant, le fait protestant se déploie à la vue et au su de tout un chacun, selon la volonté royale. L'église catholique n'est pas en mesure de s'y opposer comme elle le souhaitait ; l'autorité civile ne veut que le canaliser. Tout permet de penser que ce mouvement ira à son terme. En effet l'espoir des protestants, dans la logique du changement amorcé, est que soit acceptée la reconnaissance de leur droit à un culte privé, à l'organisation d'une église constituée, à exercer leur responsabilité de sujets sans aucune restriction d'accès aux différents postes dans le royaume.
 
L'Edit de Tolérance de 1787 est, pour les protestants, le signe annonciateur de la fin de la Traversée du Désert. Cette espérance ne heurte nullement la bourgeoisie éclairée de Monflanquin qui, par voie de conséquence, n'a aucune raison d'alerter l'opinion publique à ce sujet.
 
Dans une ville comme Monflanquin où le fait protestant ne laisse pas indifférent, l'Edit de Tolérance dont l'application s'effectue courant 1789, apparaît comme une preuve tangible de la volonté chez Louis XVI d'un changement profond dans son royaume.
 
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Riche en évènements tant sur le plan national que local l'année 1789 apporte des satisfactions évidentes à la bourgeoisie de Monflanquin désireuse de changements, comme elle l'a exprimée officiellement dès Janvier et encore davantage en Mars en rédigeant le Cahier de Doléances du Tiers Etat de la juridiction.
 
Cependant l'alerte de la Grande Peur a prouvé qu'il lui fallait rester vigilant. En cette circonstance la municipalité, où la bourgeoisie joue un rôle de plus en plus important sinon essentiel, a su de façon empirique assurer la sécurité de la juridiction et emporter ainsi momentanément l'adhésion, plus ou moins enthousiaste et profonde, des différents groupes sociaux de la communauté.
 
L'accueil somme toute favorable des différents groupes sociaux à la contribution patriotique décidée par le décret du 6 Octobre 1789 est un signe tangible de cette adhésion. ll s'agit en effet pour chaque citoyen ayant un revenu de plus de 400 livres de verser un quart de son revenu d'une année, en trois tiers: au Ier Avril des années 1790, 1791 et 1792. Ceux qui avaient moins de 400 livres devant faire des propositions selon leurs revenus, les ouvriers et journaliers sans propriété étant simplement invités à venir librement apporter à la patrie les offrandes qu'ils voulaient bien faire jusqu'au Ier Janvier. Si l'on en juge par la liste des souscripteurs de la subdélégation dans les mois qui ont suivi (6 ), la réaction a été la même que celle enregistrée à Castillonnès où " prenant en considération la situation de l'Etat " les citoyens approuvèrent, pensant que le versement de cette contribution patriotique constituait " une preuve authentique de patriotisme." (7)
 
Ainsi l'année 1789 à Monflanquin semble, aux yeux des acteurs directs, s'inscrire dans la perspective de l'évolution souhaitée par la bourgeoisie, et surtout a l'avantage d'engager ces transformations sans transgresser le principe fondamental " la Nation, le Roi, la Loi ".
 
                                                                                                                                 Georges ODO
                                                                                                                    SLA n° 290 /291 - 1990
 
 
Bibliographie:
 
(I) ODO G. "le Cahier de Doléances à Monflanquin" - Sous les Arcades Juillet 1989 285.
 
(2) GUILHAMON P.H. "la Grande Peur de 1789 dans le Haut Agenais"-  Revue de l'Agenais                                           1911 p.437
 
(3) Archives d'Agen. Cotation: E 3509
 
(4) DELPONT H. "Paysans et révolution en Lot et Garonne" - Agen 1989 p.33
 
(5) ODO G. "Les mariés de Monflanquin" - Sous les Arcades 1989 288
 
(6) Archives d'Agen. Cotation : L 376 et 387 (7)
 
(7) HOARE L.J. "La révolution de 1789  à Castillonnès" - T.I p.94